Le pillage du Muguet de mai en forêt: agir maintenant pour éviter sa disparition ! 1


En France, au début du XXe siècle, il devient habituel, à l’occasion du 1er mai, d’offrir un brin de muguet, symbole du printemps en Île-de-France. Une tolérance de l’administration fiscale permet aux particuliers et aux organisations de travailleurs de vendre les brins de muguet sans formalités, ni taxes.
Ainsi, à l’approche du 1er mai, nombreux sont les citoyens désireux de respecter la tradition en cueillant en forêt des brins de muguet afin de les offrir à leurs proches.

Une tradition instaurée en 1941

Car cette tradition qui célèbre depuis 1941 « La fête du travail » favorise le développement du pillage de l’espèce sauvage par arrachage des rhizomes sans aucune considération des capacités naturelles de l’espèce Muguet de mai à se régénérer tout à la fois par reproduction sexuée mais également végétative du fait de la présence d’un rhizome souterrain. Cette tradition devrait prendre en compte la nécessité, présente pour toute espèce sauvage animale ou végétale, de gérer la ressource sauvage. Saurons-nous assurer en forêt, dans son milieu naturel, la protection de cette espèce végétale sauvage ?

Le nom scientifique du Muguet de mai est « Convallaria maialis ». Il s’agit d’une plante vivace de 10 à 30 cm de hauteur. Géophyte à rhizome, il fleurit d’avril à juin. On le trouve presque dans toute la France, sauf dans la région méditerranéenne. Pollinisée par les insectes, cette plante est aussi dispersée par les animaux. C’est une espèce de demi-ombre dont les fruits sont toxiques. Dans certaines conditions, c’est un tonicardiaque.

Une plante dont la destination finale sera la poubelle…

Si cueillir et ramasser font partie des plaisirs simples de la nature, il faut cependant s’interroger sur la destination finale des produits ainsi prélevés dans le milieu naturel. La plupart finiront dans quelques jours dans une poubelle. Ne préfèrerions-nous pas observer les sous bois parsemés de ces belles hampes florales sauvages blanches lors de nos balades forestières de printemps ? Pourquoi cueillir ? Dans la nature, rien n’est inutile. Et les fleurs de Muguet n’ont d’autre utilité que celle d’assurer la reproduction sexuée de l’espèce et donc sa capacité à garantir sa pérennité sur le site et son adaptation à d’éventuelles évolutions.
Si la capacité de cette espèce à se reproduire par rhizome (reproduction végétative) permet d’assurer sa pérennité, la récolte systématique des brins de Muguet en fleur a pour conséquence de priver l’espèce de la possibilité de fabriquer de nouvelles graines. Et sans nouvelles graines, l’espèce est condamnée, sa diversité génétique réduite année après année. Or « la diversité génétique au sein des espèces a une signification profonde : c’est tout simplement d’assurer l’avenir de la Vie » (Un éléphant dans un jeu de quilles. Bertrand BARBAULT, Ecologue de réputation mondiale)

Cueillir un brin ou prélever le rhizome ?

Mais si la seule récolte familiale de quelques brins de Muguet (hampes florales) ne devrait pas mettre en danger l’espèce, la pratique du prélèvement des rhizomes sauvages par arrachage annonce, quant à elle, son inscription sur la liste des espèces en danger à très court terme. La fête traditionnelle du 1er mai génère chaque année des prélèvements de rhizomes qui relèvent du pillage des propriétés forestières (propriétés privées des particuliers mais aussi propriétés forestières des domaines privés de l’Etat et des communes), infraction commise en forêt d’autrui, réprimée aujourd’hui seulement par le Code Forestier au regard des dispositions de l’article R 163-4 stipulant une interdiction totale (extraction comme enlèvement) sauf autorisation difficile à faire appliquer

Article R163-4 du Code Forestier: « Le fait, sans l’autorisation du propriétaire du terrain, de procéder sur celui-ci à l’extraction ou l’enlèvement d’un volume inférieur à 2 mètres cubes de pierres, sable, minerai, terre, gazon ou mousses, tourbe, bruyère, genêts, herbes, feuilles vertes ou mortes, engrais est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.« 

De plus, cette infraction ne concerne pas le propriétaire, ce qui limite sa portée quant aux propriétés qui ne relèvent pas du régime forestier.

Certains sites forestiers historiques sont aujourd’hui en situation critique vis-à-vis de cette espèce victime d’un prélèvement intensif et systématique de ses rhizomes. Non seulement, la plante n’a pas eu la possibilité de se reproduire par graine du fait du prélèvement de ses hampes florales mais ses rhizomes sont arrachés afin d’assurer une bonne conservation des fleurs jusqu’au 1er mai, jour de commercialisation.
Mais comment prouver cette affirmation ? Puisque aucun suivi de cette espèce n’existe, il serait particulièrement pertinent d’analyser les procès-verbaux d’infraction dressés par les gardes forestiers et des inspecteurs de l’environnement relatifs à de telles extractions depuis le début du XXème siècle afin de démontrer que l’espèce jadis présente a aujourd’hui disparu de certains sites forestiers régulièrement pillés.

La contribution judiciaire de l’ONGE Forestiers du Monde® à la lutte contre le pillage du muguet de mai en forêt

Depuis 2004, « Forestiers du Monde® » tente d’attirer l’attention du Préfet de Côte d’Or sur l’intérêt de réglementer la cueillette de l’espèce sauvage Muguet de Mai (Convallaria maialis) en forêt.

En 2010, pour la première fois, une opération de police d’envergure a été engagée en Côte d’Or par les services de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) en charge notamment de la police de l’environnement pour tenter de mettre fin au pillage de cette espèce et au trafic qu’il engendre. En effet, réalisé à grande échelle, le pillage de cette espèce par arrachage en forêt des rhizomes permet d’alimenter des revendeurs peu scrupuleux quant à la provenance des brins.

Saisie de Convallaria maialis

Cette procédure de constatation d’infraction (n° 021 2010 SD 21) devrait mettre à jour, outre le dommage causé au patrimoine forestier, le travail dissimulé à l’occasion de cette activité illégale, la concurrence déloyale pour les producteurs de Muguet et la perte pour l’Etat de recettes fiscales.

En ce qui concerne le dommage causé à l’écosystème, « Forestiers du Monde® », association agréée au titre de l’article L 141-1 du code de l’environnement, a rédigé un argumentaire écologique joint à la procédure de constatation d’infraction de l’ONCFS (Argumentaire ici présenté), déposé plainte contre les individus verbalisés et réclamé au titre des dommages et intérêts l’euro symbolique.

Au titre de la concurrence déloyale, (ce pillage organisé permet sans doute d’alimenter des revendeurs et probablement quelques grossistes), il nous a semblé opportun de contacter la fédération des maraîchers nantais afin qu’elle puisse, en sa qualité d’organisation de défense des intérêts des producteurs de Muguet, étudier l’éventualité de se joindre aux parties civiles.

Les proposition de Forestiers du Monde® pour préserver le muguet de mai en milieu naturel

Aussi, Forestiers du Monde® demande que soient mises en œuvre les dispositions réglementaires prévues par le Code de l’Environnement (R 412-8 et R 412-9 du CE) présentées par l’instruction PN/S2 n°90-3 du 16 août 1990 au regard des espèces soumises à autorisation expliquant les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’arrêté ministériel du 13 octobre 1989 fixant la liste des espèces sauvages pouvant faire l’objet d’une réglementation préfectorale permanente ou temporaire.

police forestière observation jumelles (Small)
Elles permettraient, tout en autorisant cette fois une cueillette quantitativement limitée, d’assurer une protection minimale pour toutes les propriétés, forestières ou non, le Muguet n’étant pas malheureusement la seule espèce végétale concernée. Houx sauvage, bois joli, mousses, jonquilles, etc. paient chaque année un lourd tribu à la satisfaction d’intérêts personnels d’appropriation de biens qui desservent, in fine, l’intérêt général.

Forestiers du Monde® entend :
– apporter son concours à la mise en œuvre de toutes mesures en faveur de la protection de la biodiversité ordinaire comme exceptionnelle,
– participer à l’établissement de la liste des espèces végétales qu’il conviendrait de placer sous statut de protection partielle dans les départements où elle n’existe pas encore,
– et relayer en sa qualité d’association de protection de l’environnement l’information destinée aux citoyens.

Et si offrir un brin de Muguet reste pour vous important le 1er mai, pensez à votre fleuriste qui vous en proposera de magnifiques en provenance des producteurs nantais. Vous pourrez ainsi vous balader en forêt les mains dans les poches et les yeux grands ouverts sur le spectacle des abeilles toutes occupées à butiner les fleurs de muguet sauvage !


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