Hommage de Forestiers du Monde® à Michel LAGARDE, Docteur d’État en droit, universitaire, Avocat, membre de Forestiers du Monde®, spécialiste de la législation forestière, digne héritier des plus grands juristes forestiers français dont Édouard MEAUME et Charles GUYOT, auteur d’une œuvre unique en France et dans l’Union Européenne, décédé brutalement le 19 janvier 2024.


Le 19 janvier 2024, Michel LAGARDE nous quittait brutalement au seuil de sa retraite.

Quand Michel LAGARDE en 1980 est entré en thèse de doctorat d’Etat en Droit, il a volontairement choisi comme sujet, le régime forestier. Son Directeur de thèse, éminent spécialiste du droit de l’urbanisme, lui a dit qu’il n’y avait rien sur ce ceci à l’Université française, et que c’était un pari risqué.

Michel LAGARDE, Docteur d’Etat en droit et avocat.

Michel LAGARDE a tenu ce pari, et c’est à l’Ecole forestière de Nancy qu’il a pris possession des œuvres magistrales du passé déjà lointain (XVIIIème siècle, XIXème siècle). De ces hautes futaies, il a tissé une thèse actualisée qui a été couronnée par l’Académie d’Agriculture de France.

Depuis, il a négligé toute autre considération sociale pour approfondir le droit forestier dans tous ses aspects, depuis le champignon forestier jusqu’au premier Code d’agroforesterie (de Mayotte). Et même une méthode pour l’élaboration des codes forestiers nationaux.

Il y faut simplement une passion inlassable. De plus la conviction de l’Etat de droit, que la forêt sans le droit, c’est la jungle du plus fort. Pour cela, au cours de sa vie, il a élaboré un code forestier commenté, sous trois versions successives dont la dernière fait plus de deux mille pages.

Que personne, ou presque, ne s’intéresse à ses travaux, ne l’a jamais préoccupé. La seule idée de prolonger l’œuvre des juristes de Louis XIV, de prolonger l’héritage reçu lui a toujours suffi. La perfection de la recherche, la différence entre les bois morts et les morts-bois portent en elles leur récompense intellectuelle, et leur saveur d’autrefois.

A l’approche de sa retraite, il nous avait confié la grande satisfaction personnelle d’avoir élaboré une œuvre immense en droit forestier, qui rivalise sans déparer, celle d’Edouard MEAUME en 1840, éclairée du latin.

On pourrait l’accuser d’être un de ces savants de jadis dans sa tour de chêne (d’ivoire). C’est méconnaître l’esprit de ce chercheur forestier.

D’abord en fréquentant bien des homologues étrangers, notamment européens, il s’est rendu compte, et a bien peur d’être le seul à le savoir, que la France dispose ici du plus bel héritage de droit forestier du monde. Si l’on savait !

Ensuite, le hasard l’a conduit dans l’Océan indien où appliquant Montesquieu et l’Esprit des Lois, il a élaboré une Ordonnance de l’article 38 de la Constitution, en partant du fait et des hommes, en une terre d’islam. Et s’il a été contredit par Paris, ce n’est qu’en vertu du centralisme gouvernemental ne voulant pas trop de différences. Il a du donc revoir avec regret sa copie.

Bien sur l’importance de son œuvre l’a fait connaître ailleurs, et depuis, il avait constaté que quelques thèses notamment en Grèce, s’inspirait directement de ses travaux.

Récemment, prenant en main et à cœur la dernière thèse de sa vie de Directeur de Thèse, il participait étroitement à une thèse qui fera date au Congo RDC et mondialement pour avoir identifié ceux qui ravagent la forêt, le sol, les eaux, les tourbières. De plus et surtout proposer la réforme des institutions judiciaires qui s’impose pour réprimer ces atteintes à l’écologie. Ce pays ravagé et convoité pourrait devenir un modèle ; une nouvelle élite le souhaite.

Ces principes de lutte de l’Etat de droit forestier, il les a appliqués, lorsque devenu avocat, il a pu directement agir au cas par cas, en France, pour lutter contre les appétits des lobbies industriels, et en obtenant souvent gain de cause. Ceci pour l’amour de la forêt, et de la légalité. La Martinique s’est vue ainsi rectifiée d’une lourde erreur de codification, et un décret du premier ministre annulé pour atteinte à la loi CHAUVEAU de 1922.

L’arbre a semé des graines. Dans le bassin du fleuve Congo s’amorce une nouvelle école du droit de l’écologie forestière. Michel Lagarde en est très heureux ; dans l’intérêt aussi des populations qu’il ne faut jamais oublier.

Michel LAGARDE avait rapidement rejoint l’ONGE Forestiers du Monde® fondée en 2003 au regard des valeurs qu’entend porter et partager cette ONGE avec laquelle il a mené de nombreuses saisines jusqu’à saisir le Conseil d’Etat animé de l’espoir que ces magistrats apprennent eux aussi le droit forestier pour en rappeler les fondamentaux au nombre desquels la conservation de l’état boisé.

Plus qu’un éminent juriste, Michel était devenu un ami. Les forestiers et la foresterie sont en deuil. Ils perdent avec lui un allié intègre et infatigable, passionné de forêt et de poésie.

Il méritait d’être promu au grade de Chevalier de la Légion d’honneur, immense honneur demandé mais jamais accordé du fait de l’ignorance de l’importance de son œuvre au service de la forêt française et du rayonnement international qu’il donna à son engagement pour inspirer moultes travaux de protection juridique des forêts. Il donnait également, au travers de son engagement, tout son sens à l’esprit fondateur de l’ONGE Forestiers du Monde®. Elle lui doit ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

D’André Malraux, il avait très tôt admiré la maxime « Que m’importe, ce qui n’importe qu’à moi ». Il a toujours appliqué cette règle, commentant l’ordonnance de 1669, dans un monde qui oublie ses racines.

Peu importe, l’arbre continue à pousser vers la lumière.

Pascal OBSTETAR et Jean-Noël CABASSY

Présidents de l’ONGE Forestiers du Monde®

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